Depuis les années 1975-1980, le contrat de travail conclu entre les sportifs professionnels et leurs employeurs, associations ou sociétés sportives, était qualifié de contrat à durée déterminée (CDD) d’usage, sur le fondement de l’article L.1242-2 3° du Code du travail. Cette qualification a été remise en cause par deux arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation de 2014 (I) amenant le législateur à une réflexion sur le sujet (II) et finalement à la création d’un CDD spécifique aux sportifs professionnels et à leurs entraîneurs (III). Ces dispositions s’appliquent à tout contrat conclu à compter de la publication[1] et, pour les CDD d’usage conclus avant cette date, elles s’appliquent à tout renouvellement de contrat ayant lieu après.[2]
I – Mise en péril des CDD d’usage dans le sport professionnel
La Chambre sociale a porté un premier coup au CDD d’usage des sportifs professionnels en le requalifiant en contrat à durée indéterminée (CDI) lorsqu’il n’avait pas été transmis au sportif dans le délai de 2 jours prévu par l’article L.1242-13 C. travail (Cass.soc., 2 avril 2014, n°11-25.442).
Puis, par un arrêt du 17 décembre 2014 (Cass.soc., 17 décembre 2014, n°13-23.176), la Chambre sociale relève que le CDD doit être justifié par des éléments précis et concrets établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi. Nous voyons ici une référence claire à l’article L.1242-2 3° qui justifie le recours au CDD d’usage « en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ».
Ces jurisprudences laissaient craindre la requalification systématique des CDD d’usage des sportifs professionnels en CDI. Jean-Pierre Karaquillo souligne dans son rapport remis au Secrétaire d’État aux sports, qu’une telle requalification serait attentatoire à l’équité des compétitions, au bon fonctionnement des clubs et fragiliserait le lien contractuel entre le club et ses sportifs[3].
II – Une réflexion sur les spécificités des contrats de travail des sportifs professionnels et de leurs entraîneurs
Le rapport susmentionné préconisait (préconisations n° 31 à 40 du rapport) la création d’un CDD spécifique applicable aux sportifs et entraîneurs professionnels qui dérogerait aux règles générales du Code du travail. Ce contrat de travail devait être défini pour une certaine période (minimum et maximum déterminé par la loi) et être indéfiniment reconductible. Il devait également être tenu compte des spécificités sportives comme l’homologation des contrats par la fédération ou la ligue. En contrepartie, la sanction proposée par le rapport en cas de non respect des règles édictées serait la requalification systématique en CDI.
Il propose également de sécuriser les opérations de prêt de main d’oeuvre, tant dans le cadre d’une mise à disposition au profit de l’équipe nationale que d’une mutation temporaire du salarié (le « prêt » de joueur). Sous l’empire des dispositions du Code du travail, ces pratiques risquaient d’être sanctionnées et requalifiées en prêt illicite de main d’oeuvre caractérisé si « le seul objet de la convention entre les deux sociétés est la fourniture de main d’oeuvre (…) et si l’opération à un but lucratif »[4].
Enfin, le rapport propose que les clauses de rupture unilatérale soient identifiées comme « nulles et de nul effet »[5].
III – L’adoption d’un CDD spécifique aux sportifs professionnels et à leurs entraîneurs
La loi n°2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale reprend, en ses articles 14 à 17, les préconisations du rapport remis par M. J.-P. Karaquillo concernant l’établissement d’un CDD spécifique aux sportifs et entraîneurs professionnels ainsi que ses justifications à savoir assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et garantir l’équité des compétitions[6].
La loi définit le sportif et l’entraîneur professionnels salariés[7] avant d’énoncer que le contrat de travail de ces personnes est dérogatoire aux dispositions générales du Code du travail concernant tant la règle du CDI que les règles spécifiques du CDD[8]. Elle pose en principe que leur contrat de travail est à durée déterminée.
Le contrat ne peut être inférieur à une saison sportive, soit douze mois, sans être supérieur à cinq ans. Le renouvellement ou la conclusion d’un nouveau contrat avec le même employeur est possible[9]. La loi établit les mentions obligatoires du contrat et sa transmission au salarié dans les deux jours ouvrables suivants l’embauche[10]. Elle reprend également les préconisations concernant l’officialisation du système d’enregistrement ou d’homologation par la fédération ou la ligue[11], renvoyant le soin aux règlements des fédérations/ligues de régler les conséquences juridiques en cas de refus d’homologation.
D’autres préconisations du rapport sont reprises. Ainsi, les clauses unilatérales de rupture du contrat établi par la loi du 27 novembre 2015 sont déclarées nulles et de nul effet[12]. De même, concernant le prêt de main d’œuvre, la loi dispose que les règles du Code du travail[13] sont inapplicables en ce qui concerne la mise à disposition des joueurs aux fédérations dans le cadre d’une équipe de France ou d’une mutation temporaire. Quant au non respect des règles de fond et de formes, il expose non seulement à une requalification en CDI mais également à une amende[14].
En adoptant un contrat de travail adapté aux sportifs et entraîneurs professionnels, la législation française se met en conformité avec le droit européen selon lequel il doit être tenu compte des « spécificités du sport » (article 165 TFUE) et qui reconnaît que les principes généraux concernant le CDD doivent « prendre en compte les réalités des situations spécifiques nationales, sectorielles, et saisonnières. » (directive n°1999/70/C.E. du 28 juin 1999 concernant l’accord-cadre sur le contrat de travail à durée déterminée).
Auteurs :
Angélique TEZZA et Colas AMBLARD
NPS Consulting avocats
Notes
[1] 27 novembre 2015
[2] Les dispositions applicable à compter du 27 novembre 2015 sont précédés d’une astérisque en pièce jointe.
[3] Rapport Karaquillo, p.68
[4] Rapport Karaquillo, p.83
[5] Rapport Karaquillo, p.89
[6] L.222-2-3 C.Sport
[7] L.222-2 C. Sport
[8] L.222-2-1 C.Sport
[9] L.222-2-4 C.Sport
[10] L.222-2-5 C.Sport
[11] L.222-2-6 C.Sport et Rapport Karaquillo p.79
[12] L.222-2-7 C.Sport et rapport Karaquillo p. 89
[13] L.8241-1 et L.8241-2 C.Travail
[14] L.222-2-8 C.Sport et Rapport Karaquillo p. 72
Pièces annexes :