Il est des principes qui ne manquent jamais d’efficacité et dont certains pays en font même devise. « L’union fait la force » fait partie de ceux-là. Derrière une formule maintes fois reprise se cache une réalité inébranlable, s’appliquant tant le quotidien de tout un chacun que dans un modèle économique florissant : s’unir, c’est faire naître une réussite d’une idée originellement vouée au plafond de verre.
Le secteur associatif est nécessairement impacté par cette réalité. L’association qui avance seule se heurte, dès lors qu’elle souhaite se développer, à des difficultés parfois insurmontables : problématiques de gouvernance, de compétences, voir difficultés financières. On trouvera alors dans le groupe un moyen efficace de franchir ces obstacles.
Définition du groupe associatif
La notion de groupe, en droit français, ne fait l’objet d’aucune définition légale précise. Pourtant, certains domaines du Droit tente d’en préciser les contours. Ainsi le Droit Fiscal s’est, par exemple, appropriée l’idée au travers du régime d’intégration fiscale (développant par la même une notion capitalistique du groupe)[1].
Le droit des procédures collectives, quant à lui, appréhende la notion au travers du principe d’extension de la procédure de sauvegarde en cas de confusion de patrimoine de sociétés[2] ou par la nomination d’un administrateur judiciaire et mandataire commun en cas de procédures collectives ouverte à l’encontre de deux entités, dont l’une contrôle l’autre[3].
L’INSEE s’est alors essayé à établir une définition précise de cette notion pour les entreprises : « un groupe de sociétés est une entité économique formée par un ensemble de sociétés qui sont soit des sociétés contrôlées par une même société, soit cette société contrôlante »[4].
Cette définition ne se limite pas au critère de la détention par un groupement « mère » du capital d’une entité « fille » et permet d’envisager le groupe sous un prisme plus élargi. L’INSEE précise d’ailleurs que « contrôler une société, c’est avoir le pouvoir de nommer la majorité des dirigeants »[5].
Le secteur associatif, dans les faits, appréhende en réalité cette notion de façon plus expansive, au-delà même des pouvoirs de nomination.
Typologie des groupes associatifs
Le groupe associatif n’implique en effet pas nécessairement l’idée de contrôle de l’un sur l’(es) autre(s) : partenariats, coopérations, … Ces notions expriment bien l’idée de groupement, de partage croisé de gouvernance, au-delà de tous liens financiers ou de détention capitalistique.
La typologie du groupe variera donc avec l’ambition, l’état d’esprit des membres mais aussi parfois avec la nécessité d’établir une structure différente :
– L’union d’associations permets de regrouper des associations gardant leur indépendance au sein d’une association unificatrice : le but étant de préserver une gouvernance propre à chaque association tout en combinant des activités, des projets, des patrimoines…
– La fédération d’associations implique la même idée en renforçant toutefois l’influence de l’organisme « mère » sur les associations membres : définition d’une politique commune, nécessité d’affiliation, …
– La filialisation d’une activité au sein d’une société commerciale ou d’une coopération est dans certains cas nécessaire pour éviter le basculement de l’organisme vers une nature lucrative[6];
– L’apparition des fonds de dotation[7], avec leur simplicité de création et de fonctionnement, permettant aisément de recevoir des libéralités, ont permis d’envisager des schémas structurels innovants, regroupant plusieurs entités autour d’un projet d’intérêt général.
En réalité, définir l’objectif du groupe est primordial pour en déterminer sa typologie : s’agit-il d’un regroupement de compétences ou d’une union dans un but fiscal ? L’idée est-elle de mutualiser des moyens ou d’adopter un mode de gouvernance spécifique à l’ensemble d’un réseau associatif ?
Mise en place du groupe
Toute structuration nouvelle mérite réflexion, préparation et organisation. L’idée étant d’avoir une démarche dynamique et efficace pour les entités et les personnes concernées. La réussite d’un regroupement repose également sur la mise en place d’objectifs clairs.
Plusieurs sujets doivent être abordés en amont : les questions du contrôle, les problématiques sociales, les aspects financiers, etc. Clarifier l’ensemble de ces points est indispensable afin que l’opération ne soit pas vécue comme une contrainte obligée en période de crise, mais bien comme une avancée nécessaire et bénéfique au projet.
Vient ensuite la mise en œuvre opérationnelle. Là encore, les situations varient. Le groupe peut émerger d’un véritable regroupement concret d’entités économiques autour d’un projet : par exemple, plusieurs associations peuvent créer une union. Cette nouvelle entité sera alors composée des associations membres.
Le groupe peut également être constitué au travers d’une scission d’activités[8], par exemple : une association « externalise » l’une de ses activités au sein d’une structure nouvelle, ou de structures régionales, et garde un contrôle de fait sur cette dernière (identité de dirigeants, politique commune, …).
Nous l’avons évoqué plus haut, la filialisation est également un moyen de constituer un groupe autour d’un projet associatif. Quand les ressources lucratives d’une association deviennent prépondérantes[9], il est indispensable de créer une société commerciale, détenue par l’association, qui exercera effectivement ces activités, afin de préserver l’association mère, ou « holding », de toute lucrativité générale. Cette solution nécessite toutefois de prendre de grandes précautions quant à sa mise en œuvre opérationnelle.
Mais le groupe peut également exister au travers, simplement, de modes de fonctionnement mutualisés : des collaborations plus ou moins ponctuelles, des mandats de gestion temporaires, des groupements de moyens. Ces situations sont mises en place au travers de conventions spécifiques, sans impliquer nécessairement l’idée de contrôle.
En clair, les possibilités sont infinies et les perspectives toujours plus grandes, jusqu’à envisager, au besoin, l’étape ultime du rapprochement : la fusion.
L’apparition de schémas novateurs
Ces dernières années ont été très prolifiques pour l’entrepreneuriat associatif. L’avènement des fonds de dotation en est notamment une illustration indéniable, permettant un accès à la générosité public à un plus grand nombre de projets.
En outre, la Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’Économie Sociale et Solidaire (dite « Loi ESS ») a offert au secteur associatif un cadre juridique sécurisant les opérations de fusion, de scission et d’apport partiel d’actif, facilitant ainsi l’accès à de nouvelles opportunités en matière de regroupement.
Suivant cette évolution, de nouveaux schémas d’organisations structurelles apparaissent et l’on voit aujourd’hui naître de véritables schémas pyramidaux[10], mêlant association, fonds de dotation et structure commerciale, le tout dans un cadre juridique, financier, fiscal et social optimal.
La complexité de ces schémas ne doit cependant pas être sous-estimé. Se faire accompagner par des conseils experts se révèle indispensable afin pouvoir constituer une parfaite synergie, en toute sécurité du respect des règles, notamment liées au maintien du caractère non-lucratif de l’association principale.
En conclusion
Le groupe associatif constitue une véritable opportunité, tant en termes opérationnels, afin d’optimiser l’activité ou le maillage territorial par exemple, qu’au niveau structurel, sur les plans juridique et fiscal.
Sa mise en place, accompagnée, doit être mûrement réfléchie et préparée, afin d’aboutir aux solutions les plus adéquates aux situations données. Reste qu’en tout état de cause, mutualiser les moyens et les objectifs permettront à tout projet associatif d’envisager sereinement son développement.
Anthony BERGER, Avocat NPS CONSULTING
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Les Notes:
[1] Articles 223 A et suivants du Code Général des Impôts, supposant une détention capitalistique de la filiale par la holding à hauteur d’au moins 95%.
[2] Article L.621-2 du Code de Commerce : le terme « groupe » n’est pas mentionné mais découle du principe même de l’extension.
[3] Article L.662-8 du Code de Commerce : le contrôle est entendu ici au sens du Code de Commerce, c’est-à-dire au travers de la détention de plus de la moitié du capital social d’une société par une autre notamment.
[4] https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1041
[5] Ibid.
[6] BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10-20150401 n°560 et suivants
[7] Loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (dite « LME »)
[8] Article L.236-16 et suivants du Code de Commerce
[9] Article 206, 1 bis du Code Général des Impôts